Alors que les prix de l’immobilier poursuivent leur flambée, que la crise du logement se double d’une crise sanitaire affectant en premier lieu les citoyens et citoyennes les plus vulnérables, le Québec est mûr pour un réalignement majeur en matière d’aménagement de son territoire et plus particulièrement d’aménagement urbain. En 2021 et 2022, les occasions seront nombreuses de positionner le développement de l’habitation communautaire comme une composante incontournable d’un développement urbain qui contribue à la santé sociale, économique et environnementale de la province : campagnes électorales, consultation sur la Stratégie nationale d’urbanisme et d’aménagement des territoires par le gouvernement du Québec, adoption du Plan d’urbanisme et de mobilité de la Ville de Montréal, etc.
De nombreux acteurs et actrices de divers horizons s’entendent sur l’urgence de la situation : il faut accélérer la construction de logements sociaux et communautaires, tant pour les familles et les aîné·e·s que pour les populations marginalisées. Nous ajouterions : il faut retirer au plus tôt le maximum d’immeubles offrant des loyers financièrement accessibles du marché locatif privé. La logique est simple : les propriétaires immobiliers publics et communautaires agissent sans finalité de profit, garantissant la pérennité de l’abordabilité des loyers, une condition essentielle à l’accueil et au maintien des ménages à faible ou modeste revenu dans l’ensemble des quartiers et des municipalités, à proximité des services.
Les occasions de création de logements sociaux ou communautaires demeurent présentes malgré l’effervescence du marché : inclusion dans des projets de requalification, construction dans la trame urbaine, achat d’ensembles immobiliers d’envergure, transformation du patrimoine bâti, notamment religieux. Le principal frein à la création de milieux de vie inclusifs et solidaires est avant tout financier. Il semble que tous et toutes reconnaissent qu’un parc immobilier financièrement accessible est une richesse collective inouïe pour une société. Il faut, d’une part, limiter son effritement et, d’autre part, accroître sa taille. Comment? En exploitant toutes les pistes de développement et en positionnant l’habitation comme un élément incontournable et transversal de nombreux grands enjeux de société : le développement économique, l’impératif de transition socioécologique, le renforcement des collectivités, la lutte contre la pauvreté et l’exclusion, notamment dans les quartiers centraux subissant des transformations majeures, le vieillissement de la population, le développement et le maintien de l’autonomie résidentielle, l’intégration des ménages immigrants, etc.
Il faut des gestes forts pour concrétiser la vision d’une société où tous les ménages bénéficient d’un logement sécuritaire et adapté à leurs besoins et à leur capacité de payer. Depuis le début de la pandémie de COVID-19, l’appel à un grand chantier de création de logements sociaux et communautaires a été lancé de façon récurrente. Les grandes municipalités québécoises et des organisations économiques, habituellement plus discrètes sur le sujet, font même figurer cette requête sur leurs courtes listes de demandes adressées au gouvernement du Québec. Les besoins en logements sont importants et le retard en matière d’accroissement de l’offre de logements abordables est difficilement rattrapable, surtout avec les programmes publics actuels, souvent trop rigides et insuffisamment dotés.
La rentabilité d’un investissement public majeur dans la création de logements sociaux et communautaires se constaterait à la fois à court, à moyen et à long terme. À court et à moyen terme, le Québec bénéficierait d’une activité économique accrue, d’économies dans les dépenses publiques découlant de la pauvreté et de l’exclusion et d’une augmentation du revenu disponible des ménages à faible ou modeste revenu. Un parc locatif financièrement abordable constitue en effet un rempart pour empêcher les ménages de glisser dans la pauvreté et une pierre solide pour les aider à s’en sortir et à réaliser leur plein potentiel en tant que citoyen·ne·s, travailleurs et travailleuses.
À long terme, plusieurs autres effets émergeraient : la dynamisation des quartiers, des arrondissements et des municipalités, le maintien de l’attractivité économique de la métropole (indissociable de sa capacité à retenir et à loger sa main-d’œuvre) et l’accroissement de la résilience collective et individuelle en contexte de crise. Les formules communautaires en immobilier portent en effet en elles les conditions du développement d’une résilience collective : la participation et la mobilisation citoyennes, la prise en charge partagée, la gestion démocratique, l’ancrage local, la réponse aux besoins et la pérennité d’occupation.